Souvenirs
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Angoisse
Un jour, comme chaque jour scolaire du reste, je me suis un peu attardé avec les copines après le dernier cours. Nous aimions échanger des plaisanteries, faire des remarques rigolotes sur les travers de nos professeurs, pas méchantes du reste, ou simplement jouer à chat ou à chat perché en attendant le train. Ma camarade Annie qui était dans la même classe prenait toujours le train avec moi car elle habitait Clérieux. Or ce jour là, nous avions eu un professeur remplaçant en français, le titulaire habituel M. Hervé Doza étant absent pour au moins 15 jours. Nous étions un peu sur-exités car le professeur en question possédait plein de tics et ressortait très régulièrement les mêmes expressions. Son discours était ponctué très régulièrement de « Vous comprenez bien que… » ou encore « il faut savoir que… » le tout accompagné d’un large mouvement circulaire ascendant de gauche à droite de la tête, les yeux suivant le même chemin. Nous avions bien du mal à garder notre sérieux jusqu’à la fin du cours qui était le dernier de la journée, car nous avions beaucoup de connivence entre nous. Il nous acheva complètement au moment de la sonnerie en nous sortant « travaillez votre français, vous comprenez bien que c’est la base de toute connaissance ». Aussitôt sortis nous donnâmes libre cours à notre hilarité. Cette affaire nous retînt un moment. Nous voilà parties à nous remémorer des souvenirs de situations analogues qui nous avaient autant amusées. Soudain nous tressaillîmes en entendant le coup de sifflet de la 141 R 846 qui repartait de la gare ! Nous étions tellement hors du monde que nous avions oublié de prendre notre train. Instantanément nous passâmes de la joie la plus débridée à l'angoisse la plus profonde. Comment rentrer à la maison ? Que va dire maman en ne me voyant pas arriver ? Comment prévenir nos parents du problème ? Les questions se bousculaient sans aucune réponse à suivre. Je connaissais bien le train de la ligne. Je rassurais ma copine Annie en lui expliquant que l'on prendrait simplement le train suivant qui passe à 18 h 47. Cela faisait tout de même plus d'une heure de retard, de quoi angoisser nos mamans ! Rentrer à pied ? Pourquoi pas ! Je pense que j'aurais pu retrouver le chemin mais nous aurions été obligé d'emprunter la grand' route et elle n'était guère aménagée pour les piétons ! N'ayant pas d'autre choix nous attendîmes donc le train de 18 h 47 au lieu de celui habituel de 17 h 38. Cette fois pour être certaines qu'il ne nous échappe pas, nous restâmes sur le quai de la gare durant cette heure d'attente. Inutile de dire que l'ambiance n'était pas aussi joyeuse qu'avant l'incident !
À notre arrivée, nos deux mamans étaient là à la gare à scruter le quai, l'œil angoissé, essayant de voir si nous étions dans ce train. Il n'y avait pas à l'époque tous les moyens actuel de communication. Nos parents n'avaient même pas le téléphone à la maison, comme la plupart des habitants de Clérieux du reste. Lorsque nous arrivâmes, nous fûmes accueillies par des embrassades tellement nos mamans étaient soulagées. Même après avoir raconté notre aventure, sans chercher à dissimuler les faits, au lieu d'être grondées comme nous l'aurions mérité, nous fûmes embrassées de plus belle tellement l'angoisse avait été grande.
mardi 22 mai 2012
Carte topographique des environs de Villard d’Avers et Clérieux, au sud de Grenoble (© IGN 2012)