Souvenirs
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Le Gué
Il y avait à Clérieux un bar-tabac qui se trouvait à deux pas de chez nous, tenu par Catherine Saillard. Il fallait juste faire le tour du pâté de maison pour s'y rendre. Il arrivait parfois que personne ne soit à la maison à l'heure ou je rentrais du collège lorsque maman devait s'absenter pour faire des courses à Villard d'Avers. Dans ces rares circonstances, elle s'arrangeait avec Mme Saillard pour qu'elle s'occupe de moi à mon retour du collège. C'était très commode puisque le café se tenait sur mon passage, juste après l'escalier qui monte de la gare vers le village. Mme Saillard était une vieille dame très gentille et je l'aimais bien. Elle me préparait un goûter et me parlait volontiers du passé concernant notre village. En effet elle connaissait beaucoup de choses sur l'histoire locale et aussi elle connaissait tout le monde depuis trente ans qu'elle tenait le bar.
Un jour où j'attendais le retour de maman, le bar n'était pas très animé de sorte que Catherine avait du temps pour me parler. Elle me demanda : sais-tu Marie ce que c'est qu'un gué ? J'avais 11 ans et je me souviens très bien que j'était fier de pouvoir répondre « Oui » sans hésiter. « C'est un endroit d'un cours d'eau où l'on peut traverser sans trop de problème en marchant dans l'eau ». J'aimais ce genre d'endroit et je connaissais un gué à quelques kilomètres d'ici où j'aimais bien patauger et même traverser à bicyclette ! À présent sais-tu pourquoi le lieu-dit sur la route des Combes avant d'arriver à la gare s'appelle le Gué ? Là, je dû avouer mon ignorance et je ne voyais rien qui pouvait justifier de parler d'un gué en cet endroit.
Catherine repris ses explications. « Autrefois, jusqu'au début du XXe siècle, la route menant à la gare n'était pas aussi praticable qu'aujourd'hui ! Il est vrai que peu de personnes venait à la gare par la route : les gens n'avais pas de voiture et puis c'était bien plus rapide de venir à pied par l'escalier que tu prends tous les jours. C'étaient surtout des camions ou des charrettes tirées par des chevaux qui devait accéder à la gare. La route, qui du reste n'était encore qu'un chemin empierré, traversait le petit ruisseau de la Combe-Vache en utilisant un gué. Le chemin descendait dans le vallon passait le ruisseau en ce point et remontait vers le plateau de la gare. Ce n'est qu'en 1911 que d'important travaux furent réalisés pour rendre l'accès plus agréable. L'activité de la gare augmentait et puis aussi les manœuvres des camions ou des tracteurs pour apporter des billes de bois à la gare n'étaient pas toujours faciles. Il fut décidé à cette époque de remonter le niveau de la route et de construire un ponceau côtoyant celui du chemin de fer. La route se trouvait ainsi rehaussée au niveau de la voie ferrée et cela devenait facile de venir à la gare avec un véhicule motorisé ».
« Et sais-tu le nom du cours d'eau qui passe sous ce pont ?
— non
— eh bien ! c'est le ruisseau du Latet. C'est un curieux ruisseau car il sort de terre du fond de la Combe-Vache, mais ce n'est pas sa vraie source ! On appelle cela une résurgence. Comme il y a beaucoup de roches calcaires dans la région, on trouve ce genre de phénomène. Un cours d'eau peut disparaître dans le sol et ressortir plus loin. C'est le cas de ce modeste ruisseau. Si tu veux en savoir plus tu poseras des questions à ton professeurs de géographie.
Je n'ai pas manqué dans les jours qui ont suivi de poser des questions au collège à mon professeur et c'est ainsi que grâce à Catherine j'ai appris une multitude de choses sur les régions karstiques, les lapiez, les dolines, sans oublier bien sûr les grottes avec leurs stalagmites et leurs stalactites.
lundi 8 septembre 2014
Le gué du Latet avant la construction du pont pour la route
Le ponceau de la voie ferrée sur le Latet avant la construction du ponceau de la route parallèlement et en arrière plan.
La résurgence du Latet au fond de la Combe-Vache.