Les trains du tertre
 
50 ans
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C'était assez difficile pour nous dans les années 70 de nous procurer des composants électroniques. En général les maisons de vente (il y en avait plusieurs sur Nantes) étaient plus spécialement destinées aux professionnels. Nous avions une adresse où la vente à l'amateur était tolérée mais nous ne nous sentions pas vraiment désirables ni encouragés. Notre problème était notre âge et surtout une certaine ignorance en électronique de sorte qu'on nous regardait avec une certaine condescendance. La moindre question qu'on nous posait sur notre achat nous mettait dans l'embarras : « Je n'ai pas de transistor AC132, je vous mets un AC126 à la place ? C'est pour quoi faire ? » Lorsqu'on commençait à expliquer l’usage envisagé, évidemment cela n'évoquait pas grand chose au vendeur pas vraiment habitué à ce type de montage : « système de détection de la présence d'un train dans un canton pour reproduire le bloc-system de la SNCF » ! Nos connaissances en électronique étaient très limitées. En fait nous n'avions comme bagage que le TP sur le transistor réalisé lors de nos études à la faculté des sciences mais nous n’avions aucune pratique comme pouvaient en avoir les amateurs passionnés dans ce domaine. Loco-Revue constituait notre seule source de connaissances en électronique ce qui ne constituait sans doute pas la meilleures source de formation mais dont les articles ont contribué à développer nos connaissances.

Au niveau des sources de traction, nous en étions restés aux transformateurs Hornby avec de menues améliorations. Le faible nombre de crans du  transfo ne permettait pas des arrêts ou  démarrages en gare impeccables. Nous avions ajouté en sortie des potentiomètres de récupération du genre industriel et de gros calibres capables de laisser passer des ampères. Tout un pupitre avec des commutateurs nous permettait d’affecter les différentes sources à telle ou telle partie du réseau (schémas 1, 2, 3 ci dessus). Un cab-control manuel nous permettait d'attacher une source à un train et ainsi de faire rouler de manière indépendante deux trains sur le même circuit, le bloc-system assurant la sécurité. Pour cela une série de commutateurs permettait pour chaque canton de sélectionner une source d'alimentation parmi deux. On pouvait ainsi, en théorie, faire rouler sur l'ensemble du réseau quatre trains simultanément et de manière indépendante.C'était une vraie prise de tête d'assurer le suivi de la source tout en conduisant le train !

Avec l'expérience et nos lectures toujours plus nombreuses en électronique, nous avions compris que ce n'était pas le meilleur moyen de piloter un train. Nous avions alors acquis une meilleure connaissance des transistors et autres composants (schémas 4 à 7 ci dessus).

Dans les derniers temps de ce réseau (c'est-à-dire 1977-1978) deux idées ont émergé : la commande par courant hachés (comme les vrais !) et les alimentations à résistance interne négative. Nous avions réalisé des alimentations d'essai avec courants hachés permettant de régler la vitesse du train par changement du rapport cyclique (voir cette réalisation bien plus récente). Ce type d'alimentation présente beaucoup d'avantages et tous nos essais étaient vraiment très encourageants. Cela nous autorisait des ralentis superbes avec des trains avançant à la vitesse d'un homme au pas (à l'échelle). Dans la même période j'avais entendu parler de sources à résistance négative (schémas 9 à 11 ci dessus). De telles alimentations délivrent un courant qui est déterminé en prenant en compte la fcem du moteur de la loco. Si la fcem décroît, la source augmente la tension aux rails et inversement si elle augmente la tension aux rails diminue. Tout se passe comme si l'alimentation avait une résistance interne négative. Mon rêve de l'époque aurait été de pouvoir fusionner les deux systèmes et avoir une source à courant haché avec une résistance interne négative. Ce n'était pas évident à faire en analogique avec des composants discrets et sans de solides connaissances en électronique. Ce rêve se concrétise seulement maintenant avec l'alimentation mise au point par mon ami Pierre : courant haché et asservissement de la vitesse par mesure de la fcem.


En ce qui concerne la signalisation lumineuse, la commande des différentes ampoules était réalisée par des fonctions logiques dépendant de la position des aiguilles et de l'état d'occupation des cantons. Les circuits logiques intégrés n'étaient pas encore très répandus et de toute façon nous en étions à découvrir le transistor et la diode ! Cela nous a donc semblé naturel à l'époque de réaliser par nous-mêmes les fonctions logiques dont nous avions besoin avec des composants discrets (schéma 14 précédent diaporama). Nous n'avions pas de problèmes théoriques sur les aspects mathématiques et logiques. Nous avions écrit une fonction logique pour chaque ampoule de signal pour déterminer quand elle est allumée ou éteinte (schémas 11 et 12 précédent diaporama). Chaque formule a été mise sous forme réduite en construisant sa table de Karnaugh, ceci afin de minimiser le nombre de composant à acheter. En tout 188 diodes 1N914 pour réaliser des circuits ou/et et 60 transistors 1N 2924 pour les négations et pour amplifier (schémas 2 à 10 précédent diaporama). Un tracé de circuit imprimé universel a été dessiné afin que chaque lampe possède une plaque avec la fonction logique câblée (schéma 13 précédent diaporama). Le circuit imprimé étant le même pour toutes les fonctions et l’on ne plaçait que les composants utiles. Une fabrication en série était possible. Au lieu de dessiner à la main chaque circuit, un masque avait été réalisé et les circuits imprimés ont été ainsi protégés par pulvérisation d'un verni à travers ce masque en zinc, puis gravés au perchlorure de fer de façon classique. Un agitateur en Meccano® avait été réalisé pour balancer doucement la cuvette de gravure afin de bien remuer le bain durant l’opération. Cela se justifiait par la quantité : environ 100 plaques à graver ! Quant aux résistances, à quoi bon les acheter puisqu'on pouvait facilement les peindre nous-mêmes et réaliser directement sur le circuit imprimer les valeurs dont on avait besoin. Je pense qu'à l'époque rien que les résistances représentaient le prix d'un beau wagon ! Ce système a parfaitement fonctionné jusqu'à la fin du réseau. Le point faible était la difficulté de changer une ampoule de signal lorsqu'elle venait à griller.

Les masques en tôle de zinc découpés à la scie pour protéger les circuits imprimés d’un vernis. Les circuits font environ 5 x 6 cm.

Pour anecdote, un article dans LR développait l'idée de la détection de présence par courant à hautes fréquences ce qui permettait aussi l'éclairage des voitures. Il nous fallait fabriquer un générateur de courant à hautes fréquences. Mais qu'est-ce que des hautes fréquences ? Une recherche dans des livres nous avait indiqué des fréquences de plusieurs  mégahertz.

Le problème est que le terme a un sens assez différent selon le domaine d'utilisation, comme le dit très bien actuellement Wikipédia. Mais à l'époque pas de recherche aussi simple. Dans notre cas l'auteur voulait plutôt parler de courants à 20 khz ce qui est très différent ! Nous avons bien réussi à fabriquer des oscillateurs sur des fréquences très élevées mais lorsqu’un train roulait on ne pouvait plus suivre la télévision ni la radio à cause des perturbations occasionnées par nos émetteurs. Une telle fréquence était bien sûr inadaptée pour notre système et n'a jamais permis d’aboutir. Même sans train sur les rails le courant HF passait d'un rail à l'autre, ces derniers réalisant de magnifiques antennes ! Nous avions acheté (assez cher) un transistor de puissance ASZ16 au germanium capable d'amplifier des courants de fréquence jusqu'à 250 khz. Nous avons perdu pas mal de temps avec tous ces essais mais nous avons appris des choses…

Finalement nous en sommes restés à un système de détection par courant continu qui nous donnait une sensibilité de 10 kΩ. Cette sensibilité permettait la détection de n'importe quel véhicule placé dans le canton, du moment que ses roues avaient été rendues conductrices par graphitage. Bien entendu nous avions mis au point une technique pour réaliser ce graphitage par nous même : on commençait par constituer une réserve de poudre de graphite en meulant avec un disque abrasif monté sur la perceuse la tige de carbone que l'on trouve dans n'importe quelle pile usagée (pôle +). Ensuite on mélangeait une certaine quantité de cette poudre dans un peu de solvant (acétone) avec du polystyrène expansé qui se dissout instantanément dedans. On obtient une sorte de peinture noire qui une fois sèche est conductrice. Nous avions établi le dosage idéal entre les trois composants pour obtenir une résistance de 10 kΩ en graphitant la bague isolante de roues métalliques. Nous avions en projet de changer toutes les roues en plastique Hornby par des roues plus fines et métalliques (ce que je réalise actuellement sur différents matériels : voiture postale, wagon, voiture restaurant, voiture inox…). Le dosage précis des trois composants est fondamental et la mesure à l'ohm-mètre n'est significative qu'une fois la peinture bien sèche car elle baisse fortement au cours du séchage.

Électricité et électronique

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